Dans ces temps de grande transformation - qui, comme chacun sait, ne s’arrête pas au digital - la formation a largement entamé sa métamorphose ; les grands séminaires d’antan ont fait place à des séminaires plus courts, puis aux classes virtuelles d’une heure… et aux "learning times" !
Les e-larnings des parcours longs avec la voix (façon "FIP") qui annonçait : « Dans ce module, vous allez apprendre à ….. », ont progressivement laissé place au digital learning dont toutes les formes sont bonnes pourvues qu’elles soient courtes ! Mobiles, gamifiées, agiles, les formations doivent se glisser comme du sable dans les emplois du temps déjà chargés : bref, trouver leur plage…. horaire.
Autre tendance de fond, les contenus sur Internet gratuits où à faible coût se professionnalisent. L’époque où l’on interdisait la moindre recherche sur la toile est bien révolue. Aujourd’hui les e-learnings de qualité montent en puissance : MOOC, bibliothèques de tutoriels, formations sur Youtube souvent excellentes, formations adossées aux réseaux sociaux… Pour apprendre plus besoin d’attendre, plongeons dans la toile ! Quelle merveilleuse commodité !
La promesse aux apprenants est réitérée, se former partout à tout moment, chacun selon ses besoins en répondant aux exigences des programmes de blended learning ou bien en picorant çà et là dans des ressources "open bar".
Pourtant il est fondamental de s’interroger sur la perception de l’apprenant face à ces tendances. Le taux d’abandon des MOOC est important, la faible utilisation de ces formidables patrimoines e-learning en libre- service nous déçoit, les retours d’enquête auprès des nouvelles générations confirment qu'elles plébiscitent le présentiel, le partage, la convivialité. Ces nouvelles "tribus" ont besoin de moments forts, de moments "fun". De fait il ne suffit pas qu'une ressource soit disponible sur la plate-forme LMS pour être utile / utilisée.
Parallèlement à ces tendances, le devoir qu'a l’entreprise d'aider son personnel à s'adapter au changement grâce à des heures de formation clairement identifiées nous rappelle un enjeu social que le digital learning ne doit pas oublier. Bien sûr les RH ont l'espoir que chacun ait suffisamment de courage et de motivation, entre deux clients, deux dossiers, pour se précipiter sur le e-learning par passion, envie, curiosité, sans même avoir besoin des relances régulières du service formation… ou que dans les transports, on remplace un jeu addictif ou une détente musicale par le dernier mobile learning qui fait gagner de nombreux badges. Cet espoir s’appelle l’entreprise apprenante (apprenance : un concept si bien décrit par Philippe Carré*) mais peut-on l’espérer sans la susciter, la faire naître, créer les conditions RH de son existence ?
Chez KPMG une première piste d’action est née de cette réflexion : les learning times. A raison d'une heure deux fois par mois, l’équipe se rassemble pour apprendre, chacun intervenant à tour de rôle dans ces moments d’échanges pour enseigner simplement, sans plus de préparation ce qu’il vient d’apprendre. Les sujets sont décidés de manière collective et répondent aux besoins et aux objectifs d’équipe donnés par le manager. Bienveillance et convivialité sont de mise et il n’y a pas d’évaluation à chaud pour juger de la qualité des croissants ou du café ! La contribution et l’investissement dans les learning times est valorisée et fait partie des objectifs annuels de chacun. Avant de rêver donc l’entreprise apprenante, nous mettons en valeur des pratiques existantes, nous relayons et accompagnons l’apprentissage informel se nourrissant des ressources existantes.
C’est une première piste, d'autres sont en cours de réflexion. L’évolution des compétences, digitales, mais aussi relationnelles, managériales, combinées et complexes, est au cœur de la réussite des entreprises, alors redonnons du temps à la formation, ne la laissons pas se dissoudre dans le quotidien, faisons de la place aux learning times !
* L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir, Philippe Carré, Dunod, 2005
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